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Troubles cognitifs et sécurité routière, à quoi s’attendre

Le récent rapport du gouvernement fédéral au Parlement sur la stratégie nationale relative à la démence montre que 63 % des Canadiennes et des Canadiens craignent de développer une démence (ou trouble cognitif ou neurocognitif), leur principale crainte étant de savoir ce que l’avenir leur réserve. La conduite est étroitement liée à cette question.

On estime que d’ici 2050, 1,7 million de personnes au Canada vivront avec un trouble neurocognitif, dont près de deux tiers seront des femmes. Il est difficile de décrire à quel point la conduite est devenue un élément essentiel de la vie personnelle, de la vie sociale et de l’indépendance, en particulier en Amérique du Nord, où le territoire est vaste et où les transports publics sont souvent insuffisants (ou carrément inexistants).

Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, au Canada, un diagnostic d’un trouble cognitif n’entraîne pas automatiquement la suspension du permis de conduire. En effet, 28 % des Canadiennes et des Canadiens de plus de 65 ans atteints d’un trouble neurocognitif l’ont encore. Cependant, la progression de la maladie est inéluctable. Le risque d’accident de la circulation est 2 à 8 fois plus élevé chez les personnes atteintes d’un trouble cognitif et il double tous les 5 ans après l’apparition de la maladie.

Les femmes ont plus de vie sociale, alors comment maintenir les contacts et à quoi s’attendre?

On ne saurait trop insister sur l’importance de la vie sociale après un diagnostic de trouble cognitif, en particulier pour les femmes qui ont tendance à être plus proches de leur famille, de leurs amis et de leur communauté. Que se passe-t-il si vous recevez un diagnostic de trouble cognitif et que faut-il faire pour conserver votre indépendance et votre vie sociale?

Si vous recevez ce diagnostic, votre professionnel de la santé sera en mesure de vous fournir de plus amples informations sur le stade auquel vous vous trouvez. Si vous en êtes à un stade léger, un dépistage sera effectué pour mieux comprendre les répercussions possibles du trouble cognitif sur votre conduite; on vous posera des questions sur votre utilisation du véhicule et sur vos antécédents. On évaluera également votre vision, votre psychomotricité, vos autres problèmes de santé et votre consommation de médicaments, qui peuvent tous avoir une incidence sur votre capacité à conduire. L’objectif est d’assurer votre sécurité.

Selon les recommandations d’experts en la matière, il est recommandé de procéder à des évaluations répétées des capacités de conduite au stade léger de la maladie. En cas de détérioration ou de progression significative du trouble cognitif, le professionnel de la santé recommandera probablement une évaluation de la capacité à conduire tous les six mois. Si les inquiétudes persistent, on peut vous orienter vers le centre médical multidisciplinaire d’évaluation des troubles cognitifs de votre région, où un ergothérapeute peut vous aider. Parfois, une évaluation complète par un spécialiste des capacités de conduite peut s’avérer nécessaire. Il s’agit à la fois d’un test en cabinet et d’une évaluation sur la route, qui ont un coût pour le patient. En revanche, pour les personnes atteintes de troubles cognitifs modérés à sévères, la conduite est considérée comme dangereuse et le professionnel de la santé recommandera d’arrêter de conduire.

Ne plus conduire, mais continuer à sortir; pour une transition sans heurts

Il est important de savoir que plus tôt vous commencerez à discuter avec votre professionnel de la santé de vos capacités de conduite, meilleure sera votre préparation. Aucun professionnel de la santé ne se réjouit à l’idée de voir le permis de conduire d’une personne suspendu, mais ils sont légalement tenus d’informer le registraire provincial si un patient continue à conduire après lui avoir conseillé de ne pas le faire. Que faire dans ce cas?

Organisez-vous pour ne plus conduire, mais continuez à sortir. Au Québec, l’entretien d’une voiture coûte entre 8 000 et 20 000 dollars, sans compter le stress lié aux conditions de conduite difficiles en hiver. Utilisez plutôt cet argent pour ouvrir un « compte pour vos déplacements ». Avec des membres de la famille en qui vous avez confiance, planifiez un service de transport régulier, envisagez de faire appel à Lyft, à Uber ou à d’autres options de taxi. Déposez un montant fixe chaque année sur ce compte et utilisez-le à votre guise. Prévoyez un accès régulier aux transports publics, faites la navette avec une personne de votre entourage, envisagez la livraison de vos courses à domicile (si cela est possible), et organisez régulièrement des réunions chez vous afin de ne pas avoir à vous déplacer.

Peut-être que la meilleure façon d’envisager la conduite est de la considérer comme un privilège que nous devons obtenir (comme un travail) et, à terme, comme la retraite, nous jouissons du privilège de ne plus devoir nous déplacer en voiture. C’est un changement de mentalité. Garder le contact avec sa famille et sa communauté, conserver son indépendance et sa personnalité, tout cela constitue un droit pour les personnes vivant avec un trouble cognitif. Nous devons tout faire pour le défendre.

 

Écrit par : Dre Saskia Sivananthan est professeure affiliée au département de médecine familiale de l’Université McGill. Elle était auparavant chef de la recherche à la Société Alzheimer du Canada.